Croıre en l’exıstence de Dıeu..

Croire en l’existence de Dieu..

 

Mehmet Ömür

 

 

Cette nuit, j’ai de nouveau cru Croire . Comment ne pas y croire après avoir savouré un Château d’Yquem de 1985 ? Une telle merveille, presque magique, peut transformer quiconque en poète, en peintre, ou en amoureux passionné à l’instar de Majnoun. Le Château d’Yquem, se répandant du verre au palais, réchauffe l’âme, libère la parole et transporte vers des mondes insoupçonnés. Les qualités de ce vin, perfectionné depuis douze générations, sont inépuisables. Ces terres bénies et ces raisins divins, associés à des techniques viticoles d’exception, de récolte et de production très spécifiques, ont donné naissance à une variété de vin supérieure. Grâce à la pourriture noble, le Botrytis Cinerea, et à la rosée du matin, les raisins mourants se transforment en gouttes d’or. Pour saisir pleinement la magie du Château d’Yquem, il faut en laisser quelques gouttes fondre sur la langue, les faire tournoyer dans la bouche, et les imprégner dans les papilles gustatives. Le moment idéal pour déguster ce nectar peut être une célébration particulière – un anniversaire, un anniversaire de mariage, ou un instant intime où l’on tient la main de son aimé(e) – ou peut-être, comme dans le film “Sideways”, un moment ordinaire où l’on prend conscience de la fugacité de la vie et de notre propre valeur. Mais notre souhait le plus cher est que nul ne quitte ce monde sans avoir goûté à un Château d’Yquem.

Dans l’histoire de ce vin désormais légendaire se mêlent une famille profondément enracinée, un héritage séculaire de quatre cents ans, des personnages hauts en couleur, et une suite d’événements captivants. En 1453, alors que Mehmet II conquisait Istanbul, le roi de France Charles VII arrachait ces modestes vignobles des mains des Anglais. Ainsi, ce vin aurait pu être anglais.

Le Château d’Yquem, semblable en apparence à tous les vins doux du monde, se distingue néanmoins par un élément crucial : le champignon Botrytis Cinerea, qui, tel un cauchemar bienfaisant, s’abat sur la vigne dans des conditions météorologiques très particulières. Si le climat, la sécheresse et l’humidité s’allient parfaitement, il en résulte des vins aux saveurs inoubliables. Contrairement à la pratique habituelle, les raisins du Château d’Yquem ne sont pas cueillis en grappes mais sélectionnés et récoltés un à un, lorsque chaque grain atteint son apogée de dessiccation. Ce processus méticuleux se poursuit pendant des mois, bien au-delà de la saison des vendanges, parfois jusqu’en hiver.

Une fois récoltés, ces raisins précieux sont immédiatement pressés et transférés dans de nouveaux fûts pour y fermenter. En raison de leur haute teneur en sucre, la fermentation est rapide, transformant le jus en alcool sur une période pouvant s’étendre jusqu’à six semaines. La fermentation cesse lorsque le taux d’alcool atteint 13,5 degrés, laissant encore environ 125g/l de sucre. Ce sucre résiduel, c’est la liqueur d’Yquem. Le vin ainsi élaboré ne rejoint ses bouteilles qu’après avoir vécu quatre printemps, comme s’il désirait demeurer dans ce lieu qu’il chérit tant.

Le Château d’Yquem est un vin de Bordeaux extraordinaire et sans égal. Avec sa robe dorée, son corps voluptueux et ses arômes de miel, de chêne, de fleurs, de fruits tropicaux, ce vin doux, parfait compagnon des desserts, a été couronné du titre Grand Premier Cru lors du classement de 1855, honneur rarement accordé aux vins même les plus légendaires.

Il aspire à laisser une empreinte, à rendre les hommes heureux, et à perdurer des années dans ce monde pour en jouir pleinement. Même en vieillissant, il ne perd rien de sa force. Et même si sa dégustation nous fait perdre la raison et nous inspire des poèmes, lui ne perd rien de sa splendeur. Il témoigne de l’existence de Dieu avec toute sa majesté, ne nous laissant d’autre choix que de le vénérer.